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La gestion du grand étang de Penfoulic

Les origines

En 1840, Charles Bernard de Poulpiquet décide de donner aux marais de Penfoulic une vocation piscicole, contrairement autres paluds, tels Mousterlin ou Combrit, asséchés et défrichés pour l’agriculture.

A cette époque, la pisciculture d’eau douce en étang existe déjà, mais les étangs de Penfoulic sont créés avec une vocation d’aquaculture  marine.

Au XIXème siècle, des notables ruraux entreprenants se lancent dans des expérimentations locales. A Penfoulic, la proximité de la  station de biologie marine de Concarneau, créée en 1859, a probablement inspiré le propriétaire des lieux, véritable pionnier de l’aquaculture.

Le petit étang (en amont de la vieille digue) a fait l’objet d’essais de salmoniculture et de mytiliculture ; on y voit encore, près de la Maison des Marais, les murets et vannes, traces d’anciennes moulières. Propriété du Conservatoire du littoral, il est maintenant, avec le bois, ouvert au public pour la balade et l’éducation à l’environnement.

Le Grand Etang (plus de 6ha), propriété de la famille de Poulpiquet, a été exploité pour la pisciculture marine.

Voir le plan du site (extrait de la plaquette "Le bois et les étangs de Penfoulic" éditée par la Mairie de Fouesnant)

L’ORIGINALITE DU SYSTEME : UNE SEPARATION STRICTE DE L’EAU DOUCE ET DE L’EAU SALEE

L'arrivée d'eau de mer vers le Petit étang.

La conception du système hydraulique est ingénieuse. Les 2 étangs sont indépendants, le Grand étang étant stabilisé à la même salinité que la mer, alors que le Petit étang est plus ou moins saumâtre. Le système de canalisation des eaux douces, captant les ruisseaux de Pen Al Len et de Ponterec, évite le mélange des eaux. Original lui aussi, avec son petit aqueduc, il se déverse directement dans l’anse de Penfoulic, à l’est de la digue. 

Ce patrimoine local, partagé entre le Conservatoire du Littoral et un propriétaire privé, mérite d’être conservé, mais nécessite une gestion rigoureuse et partenariale. Les 2 digues, la « vieille » et la « grande », véritables infrastructures historiques, sont devenues des hauts lieux du tourisme nature local, et doivent être sécurisées et entretenues. Les ouvrages hydrauliques, pour être fonctionnels, doivent être constamment rénovés, les grilles, initialement en bois, remplacées par des grilles inox et régulièrement nettoyées, les vannes plus ou moins modernisées, doivent être manœuvrables à tout moment.

Le canal d'eau douce, sortant vers la mer. 

VIVRE SOUS LE NIVEAU DE LA MER

Les terrains de Penfoulic, étant en moyenne à 4,3 mètres au-dessus du zéro des cartes marines, sont la plupart du temps en dessous du niveau de la mer, dès que les coefficients de marée sont supérieurs à 50.  De même pour l’habitation située à la base de la Grande digue ; cela implique une gestion très fine du système hydraulique pour que les propriétaires ne se retrouvent pas les pieds dans l’eau, en particulier quand crues et gros coefficients de marée sont simultanés.  

La maison ronde avait été conçue pour qu’un gardien puisse y dormir, prêt à manœuvrer les vannes, même en pleine nuit. Passer sous la digue à 3h du matin, par un souterrain bien sombre, n ‘est pas une partie de plaisir, mais certaines vannes sont maintenant pourvues d’un « clapet anti-retour »,  qui permet à l’eau des ruisseaux de sortir, tout en empêchant l’eau de mer de rentrer.

Au-delà de l’entretien rigoureux des vannes, il faut aussi assurer celui des canaux, vite bouchés par la végétation, les arbres morts ou l’éboulement des rives. Le grand canal d’eau douce venant de Pen Al Len parcourt ainsi plus de 3km autour des étangs !

Chaque vanne pèse plus de 300 kg . Pour les ouvrir, il faut que les niveaux d'eau soient équivalents de chaque côté et  .... un minimum d'énergie aussi!

                   EMPECHER LA « FERMETURE » DES MILIEUX TERRESTRES

La gestion terrestre du site n’est pas à visée forestière. Quelques espèces d’arbres ont été manifestement importés, comme les chênes rouges d’Amérique ou le rare Alisier torminal, ainsi qu’une superbe chênaie sur la prairie centrale, mais l’ensemble est globalement géré comme un espace naturel.

Cet espace « naturel » terrestre, que constituent les rives de l’étang, et les prairies adjacentes, nécessite malgré tout un entretien régulier pour contrôler la « fermeture du milieu », c’est-à-dire éviter que la végétation herbacée ne soit trop vite remplacée par buissons et arbres. La diversité des milieux est importante sur le site, leur équilibre est précaire et pourrait vite être rompu par l’explosion de plantes envahissantes, comme l’herbe des Pampas, par exemple. Il faut aussi maintenir cheminements et accès aux ouvrages hydrauliques pour leur entretien. Sans accès aux véhicules « lourds », le propriétaire doit donc intervenir manuellement si besoin.

 

 Il est toutefois aidé d’une vingtaine de moutons qui parcourent librement le terrain, assurant un minimum de « débroussaillage ». Le même travail que celui des poneys Shetland du Conservatoire. 

D’origine écossaise, la race SOAY est très rustique, proche du mouflon. Ces moutons, sont capables de résister aux conditions naturelles d’humidité permanente, avec peu de soins, sans tonte et en toute autonomie...mais un peu « cavaleurs » quelquefois!

ASSURER L’EQUILIBRE BIOLOGIQUE DE L’ETANG POUR PRODUIRE DU POISSON

Comme pour l’élevage extensif, l’aquaculture marine extensive implique de « laisser faire la nature » pour que les « produits », ici des poissons, trouvent eux même leur subsistance dans le milieu. Pas question donc de leur apporter granulés ou autres médicaments, comme dans les cages en mer des saumons norvégiens. Encore faut-il que le milieu naturel trouve son équilibre pour bien fonctionner et la vigilance de l’exploitant est alors indispensable.

  • La salinité du milieu, équivalente à la mer (35g/l) doit être maintenue. Sachant que l’étang salé est entouré d’un canal d’eau douce, c’est un défi en soi !

  • L’oxygénation du milieu est primordiale aussi. Une bonne circulation des eaux grâce au système hydraulique y contribue. Mais il faut aussi s’assurer que des espèces envahissantes, comme les algues vertes n’y prolifèrent, favorisées par des apports trop importants en nutriments. Les Ulves sont particulièrement redoutables, créant à la longue, en surface, une « croûte » végétale empêchant lumière et oxygénation des eaux ; c’est ce qui s’est passé dans les années 1990, avec une forte mortalité des poissons, suite au mauvais fonctionnement de la station d’épuration en amont.  Les Enteromorphes , algues vertes plus filamenteuses, très présentes aussi dans l’anse de Penfoulic, sont moins toxiques mais restent handicapantes pour les poissons.

  • L’apport de nutriments/aliments est par contre inutile, se faisant naturellement par le renouvellement de l’eau de mer….encore faut-il qu’il soit aussi équilibré ! Tout excès d’un nutriment (comme les nitrates, cf § ci-dessus) ou prolifération excessive de certains planctons peuvent compromettre ce fragile équilibre.

  • L’ensemencement du plan d’eau par des larves ou juvéniles de poisson se fait aussi spontanément par les arrivées d’eau de mer ; l’espacement des grilles d’entrée (1.5cm) permet le passage du zooplancton et des alevins. Des alvéoles auraient été aménagées, côté est, pour favoriser la croissance des juvéniles.

  • La densité de poisson s'autorégule en fonction du potentiel alimentaire. Si les poissons sont trop « maigres », c’est qu’il y a surpopulation !

  • La population piscicole est aussi naturellement diversifiée, avec des Mulets, et des espèces plus nobles telles les Bars, Dorades royales et Soles. La présence d’Anguilles, capables de passer des milieux saumâtres aux milieux d’eau douce, en remontant dans les prairies, témoignait aussi de la bonne qualité des eaux. Mais il semblerait que les Cormorans aient contribué à diminuer le stock. (un cormoran mange 5 à 700 g/jour de poisson)

  • La récolte : les vidanges annuelles étant devenues trop compliquées, l’étang n’est plus exploité à des fins commerciales. Il est réservé maintenant, à une pêche de loisir familiale, à la ligne ou au filet.

"Les Enteromorphes, filamenteuses, étouffent le milieu ...Il faut régulièrement ratisser l'étang...quelquefois la barque ne passe plus!" nous dit J.M.Boëssé

AU FINAL, UN ECOSYSTEME DIVERSIFIE ET EQUILIBRE.

Ce marais, lieu de rencontre entre la terre et la mer, donne lieu à des échanges importants de matière vivante,

"la terre enrichit la mer...

 ... la mer enrichit la terre"

                                                                        Pierre Mollo

Au patrimoine technique et historique que constituent les installations hydrauliques de Penfoulic, s’ajoute un patrimoine naturel très riche et diversifié. Certes, les équilibres originaux du fond de la ria ont été modifiés, mais on retrouve la mosaïque de milieux salés, saumâtres et d’eau douce, caractéristique des fonds d’estuaires.

Ces biotopes variés, accueillent entre autres, nombre d’oiseaux nicheurs ou migrateurs, qui trouvent là nourriture et abris différents selon leurs goûts.

L'aménagement du 19e est considéré aujourd'hui comme un patrimoine naturel

La fermeture du fond de l'anse de Penfoulic est aujourd’hui perçue de manière très positive, enrichissant le patrimoine historique et naturel local. Mais, en supprimant l’effet « chasse d’eau » des ruisseaux, elle a aussi profondément modifié les dynamiques sédimentaires de l’anse, provoquant l’envasement progressif de ce qu’on appelle maintenant la « vasière » du Cap Coz.

Gardons ainsi à l’esprit que toute intervention humaine lourde sur les espaces littoraux a des conséquences positives et négatives. Une gestion respectueuse, comme c’est le cas ici, permet de préserver des zones dites « naturelles » du mieux possible, en créant de  nouveaux équilibres écologiques ; mais restons vigilants sur les nouveaux projets. Les différentes anses de La Forêt ont chacune leurs particularités, mais toutes un intérêt commun : le maintien des interactions terre-mer, source d’enrichissement réciproque et véritable nurserie pour les espèces marines… Pour avoir du poisson en pleine mer, il faut aussi des nurseries sur le littoral !

Texte rédigé suite à une visite du site par LA FORÊT verte, le 18 octobre 2020.

Merci à Jean Marie Boëssé d’avoir ouvert exceptionnellement sa propriété à l’association, et d’avoir partagé son expérience avec nous, ce site n’étant habituellement pas ouvert au public.

Photos Sylvie Mana et Claire Chapelle

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